Figures

Mouvement... Mes figures, que j’ai commencé à déployer sur les supports en manière calligraphique, puis maintenant avec la technique du pochoir, poursuivent un but essentiel : l’expression du mouvement dans sa pureté, délivré des pans de couleurs qui le stratifient. Mes figures sont libres et peuvent aller porter leur élan dansant où elles veulent. Car le mouvement est racine de toute libération et d’euphorie profonde, il est la trame de la vie. C’est cette trame qui mobilise mon envie de créer. Je suis à la recherche de l’expression de l’énergie vitale.

Je ne conçois pas l’expression de l'énergie à travers des lignes abstraites, mais dans des lignes que mon corps peut investir de sa propre connaissance musculaire et spatiale. C’est donc naturellement à travers des évocations figuratives que je vais chercher la force dynamique. Je prends souvent mes modèles dans la statuaire, parfois je créé mes figures d’imagination. Je peux trouver la danse intime dans une posture à l’arrêt. Je n’ai pas de corpus de représentation défini, tout dépend de l’excitation vibratoire que je vais éprouver devant une silhouette. J'ai cependant une grande prédilection pour la sculpture baroque.

Figures... J’aime utiliser le mot de « figures » pour qualifier mes formes animées car bien qu'issues d'un modèle susceptible d'identification, c'est la la stylisation de l'expression, que je recherche, non la représentation de l'anecdotique. J'ai donc adopté pour les qualifier ce terme qui fait référence, en poétique, à une opération de transformation stylistique du signifiant et, en danse (discipline qui me parle ô combien) le dessin d’un geste qui fait élément de style et dont les codifications s’éloignent de l’expression directe et mimétique du réel.

Filiformes et aérées, mes figures ne pèsent pas et pourtant leur frontalité les impose et les pose, apparitions tout à la fois fugitives et rémanentes. J'aimerais que tout en dansant, elles suspendent l'espace-temps pour le spectateur et lui ouvrent une fenêtre sur sa propre dimension intérieure.

Technique... Je travaille aujourd’hui le plus souvent à la bombe car la pulvérulence de la peinture jetée par la buse permet d’introduire un effet de flou et de vibration le long des lignes, effet que je module, accentue parfois. La ligne gagne en respiration et en profondeur. Je pense également que l'univers est un immense espace-temps de vibrations qui se croisent, se superposent, communiquent, agissent.

Support... La raison d’être du support est de jouer avec la figure, d’en être l’écrin et de l’emmener vers une émotion ou une atmosphère particuliers, d’en souligner un des potentiels intimes. Après avoir saturé de couleurs des supports neutres, je suis allée vers un dépouillement destiné à renforcer l’accentuation émotionnelle sur des espaces plus sélectifs. Tout en réduisant la logorhée des couleurs, je me suis mise à introduire en sous-impression les mots de poèmes composés pour rendre la parole à ces figures muettes. Aujourd’hui je vais davantage vers la matière, elle me fascine. La texture de peau de chaque matériau est unique et traduit le mystère de sa nature profonde à laquelle mon propre être ressent le désir de s’osmoser et se fondre. Y unir mes figures me procure une extase transposée.